Après plus de quatre mois de travail acharné et deux semaines d’exposition en ligne, l’aventure Objectif Nu s’arrête ici. C’est avec un peu de tristesse mais aussi beaucoup de satisfaction que nous écrivons ces mots.
Nous souhaitions remercier infiniment les artistes, sans qui ce projet n’aurait jamais pu voir le jour.
Merci, Anne Mulot, Arianne Clément, Camille de Buhren, Elie Villette, Jeytall, Laurie Bisceglia, Lisa Deprat, Marc Turlan, Mathilde Lacombe, Sarah Salazar et Westmat. Merci d’avoir cru en nous et d’avoir participé à cette exposition, certes numérique, mais qui n’en est pas moins sensible.
Merci à toi Loïc, d’avoir accepté d’être exposé. Merci à tous nos amis, qui ont agi dans l’ombre de ce projet. À Maxime, pour avoir réalisé toute l’interface du site de l’exposition. À Laure pour ce magnifique logo. Et enfin, à Grégoire pour la prise de son et l’aide à la captation des interviews.
Un dernier et immense merci à toutes celles et ceux qui ont visité Objectif Nu. Vous avez été plus de 930 visiteurs. Nous ne nous attendions pas à un tel succès malgré les difficultés rencontrées.
Il n’aura fallu que six heures après le lancement de l’exposition, pour que le site crash. Durant cette période, vous avez été 337 personnes à visiter Objectif Nu. Le trafic ayant été trop important, nous avons été bannis de notre hébergeur. Nous sommes revenus plus fort, mais c’est à la deuxième, et dernière semaine d’exploitation, qu’Instagram nous a furtivement banni, mettant en péril le projet et sa communication. À l’heure où nous écrivons ces remerciements, nous subissons encore cette censure.
Si ce premier chapitre est quant à lui bel et bien terminé, nous n’excluons pas l’idée de revenir sous un autre format, bien plus physique que numérique, dans l’attente de jours meilleurs.
A travers ses photos, Lisa mêle la cause féministe à sa passion : représenter toutes les femmes grâce à des portraits décomplexés, sans artifices ni retouches.
« C’est important pour moi d’être inclusive et de représenter toutes les femmes, pour qu’elles sachent qu’elles ont droit d’exister. »
Lisa
Objectif Nu –Depuis quand pratiques-tu l’art de la photographie ?
Lisa Deprat – Je pratique la Photographie depuis plus de 10 ans, je ne sais plus à quel âge exactement puisque j’ai une mémoire de poisson rouge concernant mon enfance, mais je dirais vers mes 11-12 ans.
Pourquoi avoir choisi le travail de corps nus en particulier ?
J’ai choisi de travailler le nu parce que l’humain est dans son plus simple appareil, nu, mais surtout pour permettre à mes modèles de se réapproprier leurs corps, de disposer de celui-ci, de l’observer sous tous les angles et de se rendre compte de la beauté et de la force qu’il a.
Comment définis- tu ton travail ?
Je dirais qu’il est bienveillant, sans artifice, juste véritablement vrai.
Quelles sont tes sources d’inspiration ?
Elles sont partout ! Je m’inspire de tout. Dans la vie de tous les jours, je suis quelqu’un qui observe énormément. Adolescente j’adorais les trajets en bus pour découvrir de nouveaux détails de la nature.
Les réseaux sociaux sont aussi une très belle inspiration, toutes ces images, toutes ces personnes…
Mais si je dois nommer un nom, je dirais que ma toute première inspiration a été Solenne Jakovsky. J’ai découvert son travail quand j’étais adolescente et ça m’a aidé à me lancer.
Quel est ton processus créatif lors des séances ?
Il n’y en a pas vraiment, je fais beaucoup au feeling.
Je laisse tout le temps nécessaire à mes modèles, on discute, on boit un café, un thé… Quand elles sont prêtes, on se lance et je leur laisse le temps de s’approprier l’espace, je les guide, un peu de musique en fond si c’est en intérieur. Chaque séance est différente et je m’adapte à elles.
« Quand je photographie en extérieur c’est dans la nature et j’aime vraiment que ma modèle ne fasse qu’une avec, ça donne une puissance supplémentaire. »
Comment choisis-tu tes modèles ? Acceptent-ils de montrer leur visage ?
Photographie prise par Lisa Deprat alias Les Détails de Lisa, issue de la série « Sharon »
Je ne les choisis pas, ce sont elles qui viennent à moi.
La base de mon travail c’est que toutes les femmes sont les bienvenues, elles viennent avec leurs complexes, leurs traumatismes (ou non) et tout se fait naturellement.
Cela m’arrive que certaines veuillent garder les photos pour elles et donc elles me demandent de ne pas les publier. C’est primordial et normal d’accepter cette condition, mais j’ai souvent la belle surprise d’avoir finalement l’autorisation de les publier, parce qu’elles sont fières d’elles sur les photos.
Quelle est l’étape que tu préfères dans la réalisation d’un shoot et pourquoi ?
J’adore cette étape où je constate que ma modèle passe d’un état de gêne à un état d’aisance, d’affirmation.
En général, c’est assez rapide, quand j’observe les photos que j’ai déjà faites – au bout d’une dizaine de minutes – le visage est plus détendu et c’est une victoire personnelle : cela veut dire que j’ai réussi à mettre mon modèle à l’aise et ce n’est pas un exercice facile quand on est face à des personnes qui portent un bagage énorme et traumatisant sur le dos.
Quelle importance accordes – tu à la post-production ?
Quand j’ai commencé, c’était pour moi l’étape la moins importante. J’avais un petit logiciel de base, je n’osais pas explorer les possibilités qui s’offraient à moi. Et puis à force j’ai eu envie de plus, d’avoir une identité photographique, parce qu’elle passe tout autant dans la post production que dans la réalisation des photos.
J’ai donc découvert « lightroom » et l’incroyable possibilité de mélange colorimétrique que je pouvais faire.
C’est donc une étape importante pour moi, ça permet de différencier mes photos de celles des autres, de créer une ambiance. Mais je ne touche qu’à la colorimétrie, il est important pour moi d’assurer à mes modèles qu’elles n’ont pas besoin que je lisse ou retire quoi que ce soit qui se trouve sur leurs peaux.
Tu préfères : couleur ou noir & blanc ?
Pour mes photos, je préfère la couleur !
J’ai longtemps fait du noir et blanc mais je commence à m’en détacher de plus en plus, je trouve qu’au vu des environnements sur mes différentes photos, la couleur est importante ; je peux jouer avec les nuances et j’adore ça. Le noir et blanc oui, mais ça dépend de l’environnement et de l’ambiance pour que je l’apprécie vraiment.
Tu préfères : intérieur ou extérieur ?
Je dirais extérieur !
Également pour l’environnement, quand je photographie en extérieur c’est dans la nature et j’aime vraiment que ma modèle ne fasse qu’une avec, ça donne une puissance supplémentaire.
Quels sont tes projets artistiques futurs ?
J’aimerais beaucoup toucher un peu plus précisément à la vidéo, mettre en mouvement mon art.
Actuellement je travaille avec des artistes indépendants et cela m’apporte beaucoup et je pense pouvoir toucher la vidéo d’un peu plus près avec eux. J’ai également un projet personnel en tête à créer en vidéo, en espérant que je puisse l’aboutir et en faire quelque chose d’aussi bien que je l’imagine dans ma tête !
Pourquoi avoir accepté de participer au projet Objectif nu ?
J’ai décidé d’y participer parce que c’est une démarche très intéressante qui touche un sujet dont il faut continuer de parler constamment, pour que toutes les générations se cultivent, découvrent des artistes et surtout se déconstruisent sur la nudité.
Que souhaites-tu illustrer à travers tes photos ? Souhaites-tu véhiculer un message ?
Bien sûr, il est important pour moi que les femmes qui regardent mon travail se disent « Hey, mon corps ressemble au sien et il est beau ! ».
C’est important pour moi d’être inclusive et de représenter toutes les femmes, pour qu’elles sachent qu’elles ont droit d’exister, qu’elles ne valent pas moins qu’une autre parce que leurs corps n’est pas dans la norme que la société veut nous imposer.
Quel matériel as-tu utilisé pour la série de photos que tu souhaites partager avec nous ?
J’utilise un Canon EOS 80D avec en majorité un objectif 50mm et 24mm !
Peux-tu nous détailler tes choix artistiques ?
J’aime la simplicité, mettre mon sujet au centre de mes photos : mes modèles. Mais si je peux le faire dans un environnement serein, chaleureux avec des plantes et des meubles rétro alors le combo me plait énormément.
J’adore faire des plans serrés de détails qui m’interpellent : une cicatrice, des vergetures, une main sur le visage… Pour mettre un peu de poésie sur ces gestes et détails qui font beaucoup d’une personne.
FOCUS SUR DES SUJETS DE SOCIÉTÉ
Objectif Nu – Comment ressens-tu la censure sur les réseaux ?
Lisa Deprat – Comme une injustice ! Simplement.
Agis-tu en fonction de l’algorithme d’instagram ?
C’est très aléatoire, aujourd’hui j’ai bien compris que peu importe nos efforts, finalement on n’est pas récompensé. Et puis c’est pénible d’user de stratégie pour avoir 10 likes de plus ! L’algorithme d’instagram devient très aléatoire, j’ai beau analyser, ça n’a pas de sens. Alors comme mon travail est en danger dans tous les cas : je ne me prends plus la tête !
As-tu subi le « Shadow ban » ?
Oui, et ce pendant des mois, je pense même que ça a duré une année entière. Aujourd’hui étonnement je ne le suis plus, mais ça ne saurait tarder.
Ressens – tu cette censure dans la société en général ?
Bien sûr, les femmes ne disposent toujours pas de leurs corps comme elles le souhaitent et c’est un problème constant, partout, tout le temps.
Que penses-tu du « body positive » ?
« J’aime parler de « selflove » pour englober tout le monde, pour ne pas faire d’ombres aux personnes qui subissent la grossophobie. »
J’aime beaucoup ce mouvement, il libère la parole des femmes grosses, celles qu’on censure, qu’on invisibilise, celles à qui on dit qu’elles n’ont pas le droit d’exister.
C’est important de faire un rappel également mais le body positive a été créée par une femme grosse pour les femmes grosses.
J’aime parler de « selflove » pour englober tout le monde, pour ne pas faire d’ombres aux personnes qui subissent la grossophobie.
Que penses-tu de la représentation des corps dans la société, peut-on parler de diversité ? (selon le genre, l’âge, la couleur de peau etc..)
Représentation des corps totalement absente dans la société. Sur les réseaux sociaux, ça commence à se voir mais si on sort dans la rue et que l’on regarde les vitrines des magasins et les publicités dans la rue, ce n’est pas le cas et c’est vraiment triste, parce que finalement tout le monde gagnerait au change.
Dans les magasins, les tailles sont de plus en plus petites. Aujourd’hui la seule marque qui est connue de tout le monde et qui est déconstruite sur la diversité, c’est « Kiabi », je vois des personnes en fauteuil roulant des personnes grosses, des personnes amputées, des personnes noires… et ce n’est pas que dans leurs pub mais également dans leurs magasins. Il y a des rayons pour les personnes grosses et leurs mannequins sont gros ! Ca c’est agréable et satisfaisant à voir.
Merci Lisa pour avoir répondu à nos questions, nous pouvons dès aujourd’hui retrouvez tes photographies sur lien de l’exposition jusqu’au dimanche 24 janvier.
Pour les plus curieux.ses qui souhaitent en savoir d’avantage sur ton travail, nous les invitons à consulter ton site internet.
Travaillant uniquement à l’argentique et ne retouchant aucune de ses photographies, Jeytall s’intéresse au nu masculin et le réinvente. C’est pour notre plus grand plaisir que le jeune photographe a accepté de participer à Objectif Nu et de se prêter au jeu de cette interview en répondant à nos questions.
« La photo c’est voler ce que l’on voit tous, sans le regarder. Voilà sûrement ce qui pourrait résumer mon travail. »
Jeytall
Objectif Nu – Depuis quand pratiques-tu l’art de la photographie ?
Jeytall – J’ai toujours vu mes parents prendre des photos au quotidien comme pendant les voyages. Très vite, c’est moi qui prenais les photos et j’ai eu mon propre appareil (celui de mes parents quand ils ont changé de modèle) vers mes 10 ans. Très vite, j’ai photographié le chat, le chien, mes parents, et des tas de choses comme des couchers de soleil ou les arbres.
J’attendais avec impatience les conseils et les félicitations du photographe du laboratoire qui s’occupait de développer nos photos.
C’est lui qui m’a donné mes premiers conseils et notions de photographie. Et mes parents, qui n’étaient pas du tout sensibles à l’art, n’avaient pas forcément l’œil pour donner un avis ; j’étais fier d’avoir le soutien de ce professionnel.
Pourquoi avoir choisi les corps nus en particulier ?
J’étais à l’école des beaux-arts de ma ville dès la 4ème et après avoir dessiné des pinces à linge, des nœuds de filets de tennis et des tas de choses qui me semblaient, à l’époque, inutiles, j’ai découvert les cours de dessin de nu dès la seconde.
A 15 ans donc, je dessinais tous les mercredis des corps nus qui étaient devant moi et qui ne choquaient personne.
Jean-Baptiste (Jeunesse avec un bélier), Caravage (1602). Musées Capitolins, Rome.
C’est à cette époque-là que j’ai découvert non seulement le corps nu des autres, mais aussi, la beauté de la lumière sur ces corps. Une révélation.
Plus tard dans l’année, j’ai découvert la peinture et le Caravage. Je pense que le mélange s’est fait à ce moment-là et depuis, même si je ne recherche rien de particulier, je suis très sensible à la lumière sur les corps et je ne m’en lasse pas ; c’est infini.
Comment définis-tu ton travail ?
C’est difficile. Disons que je fais de l’image presque banale avec des angles que l’on ne prend peut-être pas souvent le temps d’observer.
Et le tout, en argentique à 100% du temps, sans recadrage ni retouche. Le rendu a toujours quelque chose de particulier apporté par l’argentique ; j’adore.
Quelles sont tes influences et inspirations artistiques ?
Honnêtement, aucune. Je ne regarde pas le travail des photographes mais je suis un grand fan de peinture, des peintres, des dessinateurs ; ils me fascinent.
Faire autant de belles choses rien qu’avec leurs doigts et leur patience ; c’est un vrai don que j’aimerais tant avoir.
La photo c’est voler ce que l’on voit tous, sans le regarder. Voilà sûrement ce qui pourrait résumer mon travail.
Quel est ton processus créatif lors des séances ?
J’avoue que je ne me pose pas de questions, la sensibilité fait la chose. J’aime cependant avoir une sorte de désir pour le modèle. Quand on est à 10 cm d’une nuque ou d’un dos, il serait inimaginable de faire des photos sensuelles ou “belles” si on n’a pas de désir.
Je ne parle pas sexuellement, mais je reste persuadé qu’il faut une alchimie entre le modèle et le photographe pour que quelque chose s’en dégage.
Photographie issue de sa série « Sous les toits« . Jeytall.
Comment choisis-tu tes modèles ? Acceptent-ils tous de montrer leur visage ?
Je ne choisis pas vraiment mes modèles puisque tout se passe selon un feeling. J’ai parfois très envie de photographier quelqu’un qui m’inspire, que je trouve intéressant mais la personne ne veut pas. Parfois on vient me demander mais je ne le sens pas. Donc pour que ça fonctionne, il faut du dialogue.
Dans l’ensemble j’ai de la chance car mes photos parlent pour moi et les personnes que je contacte sont rapidement partantes quand elles voient les quelques photos que je montre. Il faut rassurer les gens et leur expliquer.
De toute façon, il ne faut jamais insister sinon le rendu sera moins bon.
Quant à leur visage, c’est souvent moi qui ne le prends pas en photo. Le corps me plait énormément et je pense qu’il se suffit à lui-même. Le visage fait plutôt partie du portrait et alors là, c’est une démarche différente et complexe que je n’ai pas vraiment exploitée.
Quelle est l’étape que tu préfères dans la réalisation d’un shoot et pourquoi ?
J’adore quand quelqu’un qui n’a jamais posé ou très très peu me dit oui. C’est une marque énorme de confiance et j’en suis toujours surpris.
J’aime aussi prendre des photos ; tout simplement. Cadrer, observer, trouver l’endroit où faire le point et déclencher.
Et l’étape que je préfère (même si c’est après la séance), c’est le moment où je vais récupérer les développements des photos. Magique ; j’ai 15 ans à nouveau.
Pour tes photos tu préfères : Noir et blanc ou couleur et pourquoi ? Photographier à l’intérieur ou à l’extérieur et pourquoi ?
J’ai une passion pour le noir et blanc ; depuis très longtemps. C’est beau, propre, sensuel et très énigmatique. J’ai longtemps refusé de faire de la couleur avant de changer d’avis.
Attention, par contre, pour moi, le noir et blanc se fait en noir et blanc et je ne comprends pas ceux/celles qui font du numérique en couleur et convertissent ensuite en noir et blanc.
Jeytall.
« J’ai une passion pour le noir et blanc ; depuis très longtemps. C’est beau, propre, sensuel et très énigmatique. »
Pour le lieu, je photographie majoritairement en intérieur ; j’aime les deux, mais le nu est beaucoup plus difficile à réaliser dehors car je vis en ville et les températures ne sont jamais idéales à Paris.
J’ai quand même fait de superbes photos à Hyères, sur le toit de la Villa Noailles l’an dernier par 4 degrés Celsius. J’avoue que j’étais mal à l’aise pour mon modèle même si le rendu a été validé par tout le monde ; moi le premier.
Quels sont tes projets artistiques futurs ?
Je ne prévois jamais rien ! Je fais tout selon mes envies à court terme. Là, j’ai très envie de faire une expo ; une expo physique. Mais les gens deviennent très inventifs et s’adaptent donc j’attends de voir ce que réserve 2021 à ce niveau-là.
Pourquoi as-tu décidé de participer au projet Objectif nu ?
J’aime l’idée de la diffusion d’œuvres et le côté digital, que je connais mal, est une chose idéale en ces temps complexes.
Et puis le fait que le projet soit lancé et mené par des étudiants, c’est super ! On voit tellement d’expo initiées par les artistes eux-mêmes ou pas des galeries ; là, c’est un projet qui part de la base de la pyramide ; c’est très frais.
Et puis le sujet est parfait pour moi ; le nu, rien de mieux.
Que souhaites-tu illustrer à travers tes photos ? / Souhaites-tu véhiculer un message ?
Je n’ai pas vraiment de message ; au contraire, j’aime l’idée que les gens soient libres d’interpréter, de percevoir, de juger.
On nous demande toujours d’adhérer à une idée et on ne s’écoute presque plus ; c’est dommage.
Moi je dis simplement “regardez et profitez de vos émotions”.
Quel matériel as-tu utilisé pour la série de photos que tu souhaites partager avec nous ?
J’ai un seul appareil photo ; un Olympus de 1981 (si je ne me trompe pas d’année) et des pellicules argentiques que j’achète près de chez moi. Avec ça, je fais tout.
Parfois, je travaille aussi avec mon polaroid et des appareils jetables (trop souvent sous-estimés).
Je me suis offert un vieil Rolleiflex au printemps dernier ; j’ai hâte de vraiment l’utiliser et l’appréhender correctement.
Peux-tu nous détailler tes choix artistiques ? (Accessoires, mise en scène, plans serrés etc…)
La question est vraiment dure car je n’analyse jamais ce que je fais ; c’est du domaine de la perception. Bien souvent, quand je photographie, je n’ai même pas vu à quoi ressemblait le lieu (l’appartement ou la maison du modèle) et j’adore ça.
Ça maintient une certaine rigueur et une obligation de ne pas rester dans le confort. Donc tout se fait sur le moment quand je découvre la peau du modèle et le lieu où il se trouve. J’adore les surprises.
Il m’arrive parfois de vouloir inclure quelques objets (j’ai utilisé des miroirs ou des bibelots) mais c’est souvent choisi au dernier moment.
Je me souviens d’avoir ramassé des fleurs tombées d’un arbre un jour en allant à une séance et j’ai demandé au modèle de les garder pour quelques photos ; ça m’a plu mais jamais je n’aurais réfléchi à organiser ça à l’avance.
Photographie issue de la série « Love is a game« . Jeytall.
« Il m’arrive parfois de vouloir inclure quelques objets ».
Quant aux plans (serrés ou larges), c’est pareil, tout dépend du lieu, de la sensation que j’ai une fois en face de la personne.
Je suis gémeaux, je change trop d’avis pour avoir un plan dans en tête avant les séances.
FOCUS SUR SUJETS DE SOCIÉTÉ
Objectif Nu – Comment ressens-tu la censure sur les réseaux ?
Jeytall – Des réseaux, je n’ai qu’Instagram. Je ne connais donc que leur censure. Mauvaise, injuste et non claire car j’en suis à mon troisième compte en trois ans alors que je vois depuis des années les mêmes comptes clairement porno diffuser sans aucun problème.
Justement, c’est un problème. Je suis pour la censure à armes égales. Censurer c’est ne pas vouloir montrer, et j’entends ça complètement. Censurer une affiche devant une école maternelle ne me choque pas, mais alors je ne trouverais pas normal de la laisser devant d’autres écoles.
Sur Instagram c’est pareil ; soit chaque téton et chaque poil pubien ou chaque fesse est censuré soit aucun. Mais ça ne peut pas être à la carte. Ça n’a aucun sens.
Que penses-tu d’une plateforme non censurée uniquement réservée aux artistes ?
Je l’attends depuis un bon moment mais c’est impossible je pense ; en tout cas sur la durée. Instagram n’était pas aussi coincé il y a quelques années. Mais se faire racheter par Facebook n’a rien arrangé.
Je crois en la liberté mais désormais c’est la pub et le bien supposé qui priment.
Donc un média gratuit, libre et qui vit sans contrainte, je n’y crois pas.
J’attends….
Il nous reste les expos, les livres et les photos papier pour diffuser aux amateurs. La vraie question c’est de savoir si l’on souhaite montrer à un maximum de personnes mais qui ne sont pas intéressées plus que ça ou si on est ravi de montrer son travail à 10 personnes qui vont adhérer, aimer, et surement acheter une œuvre !
Van Gogh n’a rien vendu de son vivant ; il est désormais richement connu.
Selon toi l’algorithme d’instagram est-il grossophobe ?
Grossophobe ? Je ne sais pas, je pense que dès que l’on est censuré on a l’impression que c’est lié particulièrement à ce que l’on fait.
Si on censure mon travail, le média est-il nudophobe ? Homophobe ? Argenticophobe ?
Tout est régi par la publicité et la nécessité de satisfaire le consommateur. Par peur d’en perdre, on lisse tout.
Agis-tu en fonction de cet algorithme ?
Je ne change rien ; je poste, je publie, je diffuse. Je n’ai pas la solution magique pour passer à travers la passoire. Mais il est clair que je ne publie que 20% de mon travail sur Instagram environ.
Je suis beaucoup plus libre sur ma page web perso que sur insta ; c’est sûr.
As-tu subi le ban ?
Troisième compte en trois ans ! Du jour au lendemain je me suis réveillé sans compte, sans moyen de le récupérer, sans explication.
Contacter Insta est impossible car il n’y a aucun mail, aucun formulaire, rien.
Barbara Butch a essayé, elle a réussi à obtenir un RDV avec Instagram France en début d’année ; elle-même avoue que malheureusement rien n’a vraiment changé depuis.
Il faudrait lui demander mais j’ai bien peur que les artistes soient confondus avec les exhibitionnistes, les pervers, les dangereux.
Ressens-tu cette censure dans la société en général ?
La censure ? Quand tu vois Rihanna danser nue dans ses clips alors qu’à l’époque voir un sein était totalement interdit même le soir, je pense au contraire qu’on est beaucoup plus libre dans les médias, les clips, les affiches de pub.
Le problème c’est que les gens vont de plus en plus loin et recherche le choc, l’interdiction.
Un clip banni en TV a plus de chance de faire le buzz et de marcher que s’il est totalement accepté.
Beaucoup de chanteuses basent leur carrière sur le nu et sur le buzz. Madonna en col roulé…. Personne n’en parlerait.
Que penses-tu du body positive ?
J’ai beaucoup de mal avec les concepts, les idées qui arrivent des states (États-Unis, NDLR) et qui deviennent très vite une norme que tous les artistes doivent soutenir sous peine d’être réac ou acculé du pire.
Les corps doivent être libres et je ne pense pas qu’avoir des quotas fasse changer les choses ; être le gros, car il faut un gros, le super musclé car il faut un super musclé, le méga tatoué car il faut le méga tatoué, n’est pas la meilleure façon de se faire accepter.
C’est comme s’il fallait un casting ultra parfait pour faire un film parfait ; c’est faux !
On a beau avoir toutes les couleurs dans l’arc en ciel, on a nos préférées et ce qui est bon c’est que chacun a les siennes. Non ?
Que penses-tu de la représentation des corps dans la société, peut-on parler de diversité ? (Genre, l’âge, la couleur de peau etc…)
La diversité est là depuis un moment ; on a tous les slogans Benetton en tête. Mais on voudrait que tout le monde accepte tout le monde quand le sport national est de critiquer les passants en terrasse.
Un monde gentil et douillet n’existe pas. Il y a est il y aura de la critique ; jusqu’à la fin des temps. Il faut éviter de tomber dans des croyances moyenâgeuses et respecter la différence même si c’est la peur qui parle souvent en premier mais je pense que la société est très diversifiée. Dans la vraie vie, dans une rame de métro par exemple, personne ne se ressemble (sauf dans le 16eme) ; donc oui, pour moi, la société est diversifiée.
La vraie question est toujours la même ; est-ce que la diversité est présente dans les médias qui régissent nos options ; je ne suis pas sûr…. Là est le problème.
Ce qui m’agace le plus ce sont les célébrités liftées, tirées, refaites, qui font croire que leur secret c’est de bien dormir et de mettre un peu de crème sur leur peau. Comment faire accepter la diversité quand tu entends ça en média toute la journée ? Pour moi c’est comme celui qui prend de la drogue (en soirée) mais qui ne mange que des produits bio en société ! Quelle blague !
Tant que l’on n’aura pas des personnes qui diffuseront dans les médias l’idée que vieillir c’est moche et pas drôle mais obligatoire, que grossir c’est chiant mais inévitable, que se sentir mal régulièrement est normal et que l’on va tous mourir un jour (lifté, ridé, jeune, très vieux, riche ou pauvre), la diversité ne pourra pas être réellement représentée dans les médias ; elle ne sera que fausse et choisie pour “plaire” au consommateur. Ça m’attriste.
Merci beaucoup Jeytall pour avoir pris le temps de répondre à nos questions. Nous pouvons dès aujourd’hui retrouver tes photographies sur lien site exposition jusqu’au dimanche 24 janvier.
Pour les plus curieux.ses qui désirent admirer ton travail, nous les invitons à consulter ton site internet.
Amoureux de design, de nature et des corps, c’est muni de son argentique qu’Elie Villette met en scène les hommes qu’il rencontre avec une esthétique bien à lui.
« Mes séances se déroulent de façon assez naturelle, même si j’ai souvent une idée assez précise de l’histoire que je veux raconter, je laisse les pages s’écrire quasi instinctivement une fois sur le set. »
Objectif Nu –Depuis quand pratiques-tu l’art de la photographie ?
Elie Villette – Je pratique la photographie depuis une dizaine d’années, à mes débuts de façon très autocentrée, en produisant de nombreux autoportraits, des mises en scène, qui interrogeaient certainement mon identité, ma masculinité, ma liberté.
Aujourd’hui mon regard se porte plus volontiers sur l’autre mais toujours avec ce zeste d’absurde qui me rassure sur la futilité de nos existence qui ne tient à rien sinon au désir, à l’amour.
Pourquoi avoir choisi le travail de corps nus en particulier ?
Je n’ai pas la sensation de l’avoir choisi, c’est peut-être plutôt lui qui m’a choisi. J’ai toujours été fasciné par la nudité. Cela a certainement à voir avec la quête de ma propre identité sexuelle, le décalage et l’incompréhension qui sont venus me bousculer à l’adolescence.
Comme beaucoup d’ado, je crois, je feuilletais les pages sous-vêtement de « La Redoute » et je fantasmais sur certains de mes camarades dans les vestiaires de sport. Et puis il y avait ce livre jauni dans la bibliothèque de mes parents, je ne me souviens plus exactement du nom mais ça sonnait comme « Les secrets de l’entente sexuelle », écrit par un sexologue tout droit sorti d’un épisode de Derrick. Il y avait un paragraphe sur l’homosexualité, ça m’a ouvert le champs d’un possible, surtout avec cette image d’un jeune garçon tout nu, tout bronzé, la guise à l’air sur une plage, pour ouvrir le passage concernant la puberté. Je pourrais dessiner cette image les yeux fermés.
Comment définis-tu ton travail ?
Je n’ai pas encore assez de recul pour qualifier mon travail pour l’instant, mais c’est un peu « la vie, la vraie, Auchan », le tout passé au filtre de mon cerveau zinzin : ses excès, ses emballements, une vision idéaliste, un réalisme maquillé et chargé d’érotisme.
Quelles sont tes sources d’inspiration ?
J’aime les scènes de la vie quotidienne … « Martine à la ferme », « Martine à la plage », c’est d’ailleurs souvent « Martine à la plage » – tout du moins souvent près d’un plan d’eau- certainement parce que cela appelle la nudité, des moments suspendus où les corps s’expriment plus librement.
Je ne sais pas à quel point ses inspirations se retrouvent dans mon travail, mais il y a effectivement grand nombre d’artistes qui m’émeuvent particulièrement. Je pense aux clichés volés sur les plages de Rio du brésilien Alair Gomes ; aux glaïeuls et aux lys de Mapplethorpe (évidemment) ; à la série « Hustlers » – ma préférée – de Philip-Lorca diCorcia, la lumière est dingue, j’en retrouve un peu dans les images du Suisse Reto Schmid et du plus jeune Igor Pjörrt.
La dimension anthropologique du vêtement chez Hal Fischer ou Karlheinz Weinberger me parle aussi beaucoup, étant diplômé d’archéologie. Et de façon inconditionnelle, la mathématique des corps de Ren Hang qui, pour moi, a clairement repensé l’équation du nu.
« Même si je suis plutôt d’humeur année 2000 en ce moment, façon « Latino Fan Club » de Brian Brennan, avec Tyger Tyson à poil ! »
Ouvrage photographie de Brian Brenna « Latino Fan Club« .
Quel est ton processus créatif lors des séances ?
Mes séances se déroulent de façon assez naturelle, même si j’ai souvent une idée assez précise de l’histoire que je veux raconter, je laisse les pages s’écrire quasi instinctivement une fois sur le set, certainement aidé par mon expérience pro de responsable photo dans la presse.
Comment choisis-tu tes modèles ? Acceptent-ils de montrer leur visage ?
Au fil de mes rencontres, je vois du beau en chacun de nous, je ne suis pas du tout dans un trip de perfection esthétique.
J’aime les garçons, évidemment, mais plus encore les garçons avec lesquels on peut s’inventer des histoires.
Cacher les visages ne m’intéresse pas, à part si cela à un sens dans la scénographie. En général je choisis des modèles qui ne sont pas nécessairement à l’aise avec la nudité mais qui ont a minima envie de s’y confronter.
Quelle est l’étape que tu préfères dans la réalisation d’un shoot et pourquoi ?
Peut-être l’instant même du shooting. Je me jette un peu partout, je fume clope sur clope et je suis complètement dans ma bulle.
Comme je shoot toujours à l’argentique, le développement des films, quand je reçois les scans, aussi. Il y a toujours de belles et de mauvaises surprises. Mais le plus intéressant dans tout ça, c’est peut-être les à coté de l’image,
les gens rencontrés, les anecdotes comme lorsque je suis parti shooter le jeune acteur Pierre Emo au Havre cet été. J’ai crevé à seulement quelques centaines de mètres de sa maison familiale. Il a débarqué en tenue de pompier – allez savoir pourquoi sachant que je le shootait en marin naufragé – avec son père pour m’aider à changer la roue, sous une pluie battante, épique ! Ou encore cette rencontre avec Julien et Quentin dans la ferme des parents à poils au milieu des oies et des petits veaux, en panique au moindre aboiement des chiens de peur d’être surpris nus comme des vers !
Quelle importance accordes – tu à la post-production ?
Je photographie toujours en couleur et souvent en extérieur. La nature a une place de choix dans mes images, elle fait partie intégrante des histoires que je raconte.
Je ne retouche pas mes images. Chez moi, la post prod se résume au choix des images et à rester fidèle à la lumière du shoot lors des scans avec le labo.
Quels sont tes projets artistiques futurs ?
Je suis actuellement entre Rio de Janeiro et Sao Paulo où je prépare un fanzine sur l’obsession du corps au Brésil, forcément kitsch, il sera édité aux « Éditions Presse Douce ».
J’ai aussi commencé à m’intéresser aux garçons de ma Normandie natale. L’isolement et la difficulté à vivre sa sexualité dans des lieux retirés, apportent finalement beaucoup plus d’exotisme de sincérité.
D’un travail au départ photographique j’aimerais en faire un documentaire vidéo d’auteur, sincère et réaliste.
Pourquoi avoir accepté de participer au projet Objectif nu ?
L’équipe d’Objectif nu m’a proposé de prendre part au projet. Il m’est apparu comme faisant totalement sens avec mon travail et les valeurs que j’y défends.
Quelles sont ces valeurs défendues ?
Je ne considère pas mon travail comme étant politique même si de facto tout est politique. S’il doit défendre une chose c’est la liberté, la liberté de vivre sa vie comme on l’entend, comme on se la fantasme, comme on se la ment.
Quel matériel as-tu utilisé pour la série de photos que tu souhaites partager avec nous ?
Le corpus que je présente pour « Objectif nu » est composé d’histoires de fesses, comme souvent.
Photographie prise par Elie Villette, issue de la série « Le Cul sur la Commode », 2020.
Il y a celle de Léo, tout d’abord, 3 photos de la série « Le cul sur la commode », shootée dans mon studio parisien avec les meubles et objets que j’y entasse. Une série qui mêle espièglerie et un certain sens de l’absurde pour se jouer des codes de l’érotisme. Elle interroge ironiquement notre rapport au corps en plaçant le spectateur dans un rapport paradoxal aux objets. Tout y est question d’équilibre. Qu’est ce que l’équilibre aujourd’hui, dans un monde toujours plus sur le fil ? Qu’est-ce que l’équilibre, aujourd’hui, dans un monde où le temps est suspendu par la pandémie ? C’est aussi un temps suspendu, une apesenteur, pour combien de temps encore. Une photographie sculpturale, shootée en lumière du jour avec mon Moyen format, un Mamiya M645 Super.
Celles de Thomas, issues de ma série « Copain des bois », shootée un après midi d’été à la rivière et puis Victor sur sa plage natale de L’île-aux-Moines, surnommée « Tahiti Beach », capturé avec le vieux Canon AE1 de mon père, sur le le reflet de l’eau.
Au-delà de sa beauté plastique, l’eau, c’est une quête de liberté, des petits bouts du monde où l’on se retrouve, entre amis, amants, un état d’apesanteur pour l’âme, pour les corps aussi.
FOCUS SUR DES SUJETS DE SOCIÉTÉ
« Il y avait bien Tumblr, véritable lieu d’exploration des sexualités, c’est d’ailleurs grâce à ce réseau que je me suis véritablement intéressé à la photographie. »
Objectif Nu – Comment ressens-tu la censure sur les réseaux ?
Elie Villette – La pression sur les réseaux est très forte et étant relativement têtu, j’en ai longtemps fait les frais.
D’abord sur Facebook, où je me suis fait bloquer mon compte sur des périodes d’un mois plusieurs fois pour du nu, allant même jusqu’à me faire bannir pour une photo de Javier Bardem en slip dans le film Jamón, jamón… Depuis je ne me connecte qu’occasionnellement sur Facebook.
Instagram, lui, était plus permissif, avant son rachat par Facebook en tout cas… Tu avais droit à plusieurs vies, ce qui ne m’a pas empêché de me faire supprimer sans sommation trois comptes. Je l’ai toujours vécu comme un drame mais je continue toujours d’essayer de faire passer un bout de gland dans un décor, en serrant les fesses, ça passe rarement je dois le reconnaître. Donc forcément la censure est très contraignante.
Il y avait bien Tumblr, véritable lieu d’exploration des sexualités, c’est d’ailleurs grâce à ce réseau que je me suis véritablement intéressé à la photographie. C’était un espace de liberté pour la photographie de nu et plus particulièrement l’homo-érotisme. Et puis pour satisfaire Apple, la suppression des contenus adulte a tout bouleversé, la plateforme est depuis à l’agonie il me semble. Je reste aussi étonné par l’apparition de nouvelles plateformes comme Onlyfans qui permettent effectivement de contourner la censure mais n’a pas la même finalité. Même si Onlyfans peut démocratiser l’homo-érotisme, le rendre accessible à tous et faire de chacun d’entre nous des artistes en quelques sortes c’est génial. Mais n’est pas photographe qui veut, porter son regard sur l’autre, ou même sur soi, c’est une posture, voir un engagement, qui va au-delà du simple egotrip je crois. De toute façon ce n’est pas la même temporalité, et dans la photo on cherche des instants d’éternité.
Ressens-tu cette censure dans la société en général ?
J’imagine que la censure sur les réseaux est le reflet de la censure telle qu’elle s’applique à plus grande échelle dans la société, regain puritain, ou volonté capitaliste de tout monnayer ? Je n’ai pas encore trouvé la réponse.
Merci beaucoup Elie pour t’être prêter au jeu de cette interview. Nous pouvons dès aujourd’hui retrouvez tes photographies sur lien de l’exposition jusqu’au dimanche 24 janvier.
Pour les plus curieux.ses qui souhaitent admirer ton travail, nous les invitons à consulter ton site internet.
Une réelle mise en lumière sur les aînés : les photographies d’Arianne Clément dégagent une émotion qui vous donnera envie d’imaginer la vie qu’ont mené nos aînés, loin des préjugés.
Les invisibles
Les aînés, le troisième âge, les personnes âgées… autant de mots pour définir les personnes de plus de 70 ans, mais où sont-ils ? On ne les voit ni à la télé, ni dans les publicités, ni dans les films comme si passé un certain âge on devenait trop archaïque pour être considéré. Si l’on peut voir la vieillesse comme une maladie dont on ne guérit pas, on peut choisir de faire de ce temps une période d’épanouissement et d’appréciation de soi complète. Après tout, qui a dit que la beauté s’évaporait une fois que l’on bascule dans la case “troisième âge” ? Souvent invisibilisés, on retire à nos aînés leur aptitude à se trouver beaux, sensuels, désirables et désirés. Or loin d’avoir des codes tangibles, la beauté ne peut se mesurer selon des normes, elle n’est qu’appréciable par l’acceptation de soi. Les photographies d’Arianne Clément mettent en lumière le fait que l’amour n’a pas d’âge : ni celui du couple ni l’amour de soi. Ce sont les sentiments de tendresse et d’amour qui complètent ses visages ridés.
L’Art de Vieillir
Devenue virale, la photographie de Christine et Paul fait le tour du monde. Publiée par de nombreux magazines tels que le Vanity Fair, elle est accompagnée des coordonnées d’Arianne invitant les aînés volontaires à partager cette même expérience. Avec sa série L’art de vieillir, Arianne fait renouer sensualités et temps qui passe. Tendre et émouvant seraient les mots qui définissent le mieux son travail. Dans un style qui n’oscille pas avec le documentaire mais qui est bien artistique, il montre l’art, le vrai, le beau, celui qui sublime une beauté qui vieillit. La délicatesse et la sensibilité à la fois des modèles et de l’artiste transcendent les portraits et dépassent les clichés.
Originaire de la région toulousaine où il a fréquenté l’école des Beaux-Arts, Jeytall est désormais installé à Paris. Ce jeune photographe travaille uniquement à l’argentique et ne retouche, ne filtre et ne recadre aucune de ses photographies.
Jeytall découvre sa passion pour la photographie très tôt, puisqu’à l’âge où certains enfants jouent avec leurs voitures et autres jouets, il manipule l’appareil photo familial. Il essaye alors d’obtenir le rendu idéal en plaçant sa famille ou son chat devant l’objectif. Très vite son travail est reconnu auprès de nombreuses personnes et notamment de professionnels. C’est avec la remise de ses photos, après développement de ces dernières en laboratoire, que Jeytall voit ses photos complimentées. Motivé et déterminé à obtenir des rendus originaux et différents, il continue à exercer cette pratique devenue alors sa passion.
Très vite le nu devient un sujet prédominant dans ses choix artistiques. C’est à l’âge de 14 ans qu’il s’essaye au dessin de nu et appréhende ainsi le corps, la nudité et la délicatesse de la peau. Il ne cesse d’améliorer sa pratique et fréquente l’école supérieure des Beaux-Arts de sa ville natale près de Toulouse.
Jeytall souhaite nous montrer ce qui se passe lorsque la lumière, ou a contrario l’obscurité, viennent épouser les courbes et la surface d’un corps dénudé. Avec cette étude des corps qui lui est chère, il réinvente la photographie de nu masculin. Le photographe met en valeur de façon la plus simple et la naturelle qui soit, les corps, et crée ainsi une atmosphère poétique et tendre. Les poses ne sont d’ailleurs jamais calculées.
Cependant, si l’artiste continue de travailler avec la lumière, Jeytall ne cesse de se renouveler et de travailler sur des projets originaux et différents qui nous surprennent à chaque fois. Il joue de plus en plus avec la pellicule, que ce soit en travaillant sur les doubles expositions, ou bien en utilisant des pellicules abimées ou tachées de vin de rouge. Le résultat en est toujours plus onirique et poétique… les corps s’entrelacent, se touchent, et se frôlent…
L’un de ses derniers projets, intitulé « Confinument », a été conçu lors d’une soixantaine séances pendant le premier confinement. Ce projet innovant, regroupe au sein d’un même ouvrage, des photographies d’hommes confinés chez eux. Ces derniers posent de manière authentique et simple dans leurs appartements, jardins ou autres lieux de confinement. Jeytall les photographie alors à travers l’écran de son téléphone. « Confinument » a été édité en une centaine d’exemplaires disponibles directement auprès de l’artiste ou via la librairie LGBTQI+ Les Mots à La Bouche.
Jeytall a participé à de nombreuses expositions telles que LOVE MY WAY de la villa Noailles, à l’occasion de la 34ème édition du festival de mode et de photographie de Hyères, ou encore la deuxième édition de l’exposition « Nouveaux Regards », toujours au sein de la villa Noailles. Le jeune photographe a aussi participé à des expositions dans de nombreux lieux de la capitale comme Les Mots à La Bouche, le Dépôt, les Souffleurs ou encore le Café Pimpin situé dans le 18ème arrondissement.
Marc Turlan vit et travaille entre Paris et le sud de la France. Il s’exprime à travers de nombreux supports, collages, sculptures etc… C’est pour ses photographies que Marc a retenu notre attention pour Objectif Nu. Armé de son appareil photo, il joue avec les corps dénudés et nous offre un regard singulier sans tabou.
L’artiste travaille sur le portrait, auquel il attache une importance particulière, pour ne pas dire une fascination. Le besoin de se montrer à travers un portrait et sur les réseaux, est quelque chose qui lui tient à cœur. Il y a encore quelques décennies, le portait était réservé à une élite de la société qui avait justement les moyens de se « faire tirer le portrait ». Aujourd’hui, cela n’est plus la norme et Marc aime ça, renverser les normes de l’aristocratie des photographes qui s’octroient le droit de dire si telle photo ou tel tirage est artistique ou non.
Marc aime montrer la fragilité des corps, par la nudité, et représenter leurs défauts à travers ses clichés non retouchés. De ses photos se dégage d’ailleurs un certain paradoxe, où pureté et érotisme viennent flirter et composer des images fortes en émotions. Il articule son travail autour du désir et de sa représentation, notamment grâce à la poétique des nus.
En plus de la photographie, Marc Turlan explore de nombreux médiums tels que la sculpture, le collage, la vidéo et le tissu. Le nu et l’érotisme sont toujours présents dans ses œuvres. On retrouve aussi une pointe d’humour comme l’attestent certains de ses travaux : ses sculptures « Oedipus’Cruising » où il met en scène des photographies de statues sans yeux (référence à Œdipe qui s’est crevé les yeux, NDLR) dans un bois et qui réfèrent directement au cruising (recherche d’un partenaire sexuel, anonyme, dans des endroits publics (ou des cruising bar, NDLR). Cet humour est également présent dans les photographies où il met en scène des hommes dans des situations décalées.
Comme de nombreux artistes qui ont accepté de participer à Objectif Nu, Marc s’insurge contre la censure. Cette « résistance moderne », envers la censure qui gronde, se retrouve dans son travail et ses photographies de nu. Pour le plasticien-photographe, l’impossibilité de se montrer nu, plus particulièrement sur les réseaux sociaux, est loin d’être un frein puisqu’il en joue. Marc va alors masquer à l’aide de ruban adhésif certaines parties du corps comme le visage. Le visage caché du modèle force le visiteur à diriger son regard sur les parties du corps non masquées, créant un jeu de regard entre ce qui est dissimulé et ce qui visible. Le fait de cacher ces parties, pourtant normalement non soumises à la censure permet ainsi, en le déplaçant, de révéler notre désir.
A l’aide de ses clichés Sarah transmet des émotions en relation avec le monde qui l’entoure. Le corps, sa matière et la mise en scène dans l’espace constituent le cœur de son esthétique.
Faire écho
Très tôt la photographie devient le moyen d’expression privilégié de Sarah pour pallier aux difficultés liées à ses problèmes de motricité fine présents lors de son enfance. Après avoir brièvement exploré la nature à travers son objectif, elle expérimente la photographie de modèles ce qui semble lui convenir d’avantage. Fascinée par l’humain et les corps, la jeune photographe aborde le corps-matière tel une toile à contempler et modeler. Ainsi son travail mêle avec justesse aspect chorégraphique marqué, corps et émotions. Faire écho à chacun d’entre nous en provoquant des sensations diverses au contact de ces œuvres constitue pour elle un échange primordial entre l’artiste et son public.
Messages enveloppés
De ces clichés se dégagent douceur et sensibilité agrémentées par l’authenticité de sa démarche qui a pour objectif de dévoiler à travers l’enveloppe diverse des corps les sentiments et émotions de chacun. Les modèles de Sarah sont pour elle les interprètes de ses propos, le miroir de son intimité. S’ouvrir aux autres et à soi-même est l’essence même du processus artistique de la jeune photographe déjà riche de talent et maturité.